Après
la réduction du port de St-Malo sur la côte Nord
de Bretagne, le 17 août 1944, le VIIIe corps concentre
ses forces devant Brest pour attaquer ce port. Deux Divisions
de la Première Armée, les 2e et 29e Divisions
d'Infanterie furent incorporées à ce corps en
vue des opérations et le corps d'artillerie fut porté
de dix à dix-huit bataillons. Un groupe spécial
de tanks désigné comme force opérationnelle
Task Force "B" fut organisé à cette
époque et consistait en RCT 38 de la 2e Division. La
force opérationnelle Task Force "A" était
un groupe mixte de cavalerie, artillerie, antitank, génie
et infanterie qui jusqu'alors avait été employée
à nettoyer les régions du Nord de la Bretagne
et à patrouiller à l'entrée des presqu'îles
de Plougastel et de Crozon. La mission de la force opérationnelle
Task Force "B" fut de s'emparer de la presqu'île
de Plougastel en combinaison avec l'attaque de Brest. Deux bataillons
d'Eclaireurs (Rangers), le 2e et le 5e furent mis à la
disposition de cette force et attachés à la 29e
Division.
La
ville de Brest et ses approches immédiates étaient
fortement fortifiées au moyen d'un système de
défense étendu. Les anciennes fortifications construites
par les Français pour protéger leur base navale,
avaient pour but de défendre le port contre les attaques
venant de la mer comme de l'intérieur. De fortes batteries
côtières étaient établies sur la
côte du Conquet à l'extrémité Ouest
de la Bretagne jusqu'à la ville elle-même, alors
que sur les presqu'îles de Crozon et de Plougastel avaient
été établies des batteries de forts et
moyens calibres. Afin de protéger la ville contre les
attaques venant de terre, une ceinture extérieure de
forts avait été construite, les plus formidables
de ces forts étant établis pour défendre
les approches du côté de l'Ouest ou quartier de
Recouvrance. Le terrain dominé par ces forts était
la région typique caractérisée par des
talus boisés, comme il y en a en Normandie et en Bretagne.
A l'intérieur de la ville elle-même et entourant
les installations du port militaire situé sur les deux
rives de la Penfeld, il y avait de vieux remparts. Leur hauteur
pouvait atteindre jusqu'à 10 mètres, et avait
une épaisseur de 5 mètres. Les partis Nord-est
et Est étaient les plus élevées et étaient
protégées dans beaucoup d'endroits par une douve.
Au
cours de leur longue occupation les Allemands avaient construit
de nouvelles fortifications autour de la ville et sur les emplacements
couvrant les approches de la ville. Ces ouvrages consistaient
en casemates en ciment et abris bétonnés (pill
boxes), fossés antichars, routes barricadées et
vastes champs de mines qui étaient établis suivant
un plan parfaitement étudié et prouvaient l'excellente
technique des Allemands en ce qui concerne la guerre défensive.
De plus les forts ports et casemates de la vieille cité
étaient équipés de pièces d'artillerie
moderne à trajectoire rasante et de vastes champs de
tir étaient ménagés pour ces engins. Le
nouveau système de défense étant superposé
à l'ancien il en résultait une forteresse moderne
et formidable pour l'assaillant venant de l'intérieur.
Le
système français de défense du port avait
été également modifié et renforcé
par les Allemands. Un grand nombre de batteries de la côte
Sud de la presqu'île bretonne avait été
modernisé et leur emplacement avait été
modifié pour permettre le pointage dans toutes directions,
afin d'appuyer la défense de la ville contre une attaque
venant du Nord. Les batteries des presqu'îles de Crozon
et de Plougastel, non seulement protégeaient l'entrée
du Port, mais pouvaient également renforcer les tirs
exécutés devant le périmètre défensif
de la ville. Les calibres des batteries lourdes pouvaient atteindre
jusqu'à 280 mm.
A
cause de l'importance qu'avaient eu pour les Allemands sa base
navale et en particulier sa base sous-marine pendant leur longue
campagne de sous-marins contre la navigation alliée,
Brest était fortement défendue par l'artillerie
antiaérienne. Les pièces de cette artillerie avaient
des calibres atteignant jusqu'à 105 mm et comme le plus
grand nombre de ces pièces était à double
fin (sol-air et sol-sol) et occupait en permanence des emplacements
favorables à un tir terrestre, elles renforçaient
dans une grande mesure le réseau des défenses
terrestres.
Les
défenses de Brest étaient pourvues d'environ 40
000 hommes de troupes allemandes dont 21 000 étaient
considérés comme soldats d'élite, le reste
était composé de troupes provenant de Divisions
à poste fixe de bataillons antiaériens et de personnel
naval. Le coeur de la défense était la 2e Division
parachutiste composée de rudes jeunes Allemands fanatisés
par leur enthousiasme pour Hitler et le Nazisme. Ces parachutistes
formaient le noyau des centres de résistance des formations
de défenses et renforçaient l'esprit combatif
des autres troupes groupés autour d'eux. Grâce
à ce dispositif la totalité des effectifs disponibles
était intégrée dans une puissance organisation
défensive. Le Lieutenant Général Ramcke,
un parachutiste qui s'était signalé brillamment
au cours de l'opération de Crête, soldat remarquable
avec une expérience de trente-quatre ans, commandait
les troupes qui composaient la garnison de Brest.
L'attaque
de Brest fut déclenchée par la force opérationnelle
Task Force "B". Cette force après s'être
concentrée près de Landerneau, lança son
offensive le 21 août dans la presqu'île de Plougastel
et s'empara le 23 août de la côte 154 située
à l'extrémité Sud-est de la crête
médiane de cette presqu'île d'où l'on pouvait
observer la ville de Brest ainsi que la partie Est de la presqu'île
de Crozon ; aussi la prise de cette hauteur se heurte-t-elle
à la vive résistance allemande. Même après
avoir perdu une position aussi dominante, les Allemands résistèrent
pied à pied à la conquête du reste de la
presqu'île. La force opérationnelle "B"
continua son avance et montrant une très grande puissance
d'attaque nettoya la presqu'île le 30 août.
L'attaque
principale contre la ville fut lancée le 25 août
à 13 heures avec trois Divisions en ligne. La 2e Division
à l'Ouest (Landerneau - Guipavas - St Marc), la 8e Division
au centre (Gouesnou - Lambézellec) et la 29e Division
à l'Est (St Renan - le Conquet - Recouvrance). A cause
du temps défavorable on dut renoncer à l'emploi
de bombardiers lourds. Cependant des bombardiers moyens et des
chasseurs bombardiers purent appuyer l'attaque et les bombardiers
moyens purent suppléer les bombardiers lourds. Le HSM
Warspite participa à l'attaque au début et
utilisa ses canons de 15" pouces contre les batteries côtières
au Conquet et à St-Mathieu.
La
réaction de l'ennemi contre cette attaque fut sévère
sur tout le front et il n'y eut qu'une faible progression au
cours de la première après-midi. Pendant la nuit
la Royal Air Force bombarda la ville et le lendemain des bombardiers
lourds américains attaquèrent les batteries de
Crozon ainsi que les forts de la ville.
Dans
la matinée du 26 août l'attaque terrestre fut reprise,
mais de nouveau on rencontra une résistance opiniâtre
et on n'avança que fort peu. Le jour suivant, le 175e
régiment d'infanterie faisant partie de la 29e Division
réussit à progresser jusqu'à des positions
à cheval sur la route de Brest et coupa les communications
entre les forces de Brest et celles des batteries de la côte
Sud-Ouest.
Le
rythme de l'attaque du VIIIe Corps ralentit désormais
et au cours du reste du mois d'août, la progression à
travers les défenses extérieures fut lente. Par
suite du temps défavorable avec brume et grains, on dut
réduire l'usage de l'aviation, mais ce qui provoqua virtuellement
l'arrêt de l'attaque jusqu'à la fin du mois fut
la situation critique de l'approvisionnement en munitions.
Dans
toutes les opérations aux quelles les troupes prirent
part jusqu'ici, nous ne disposions jamais de suffisamment de
munitions et nous n'avions pas l'assurance ferme d'un réapprovionnement
satisfaisant pour les attaques que nous n'aurions pu entreprendre
sans la plus grande anxiété. Tel était
le cas avant la percée de Normandie et le siège
de St-Malo fut prolongé par suite du faible approvisionnement
que l'on put obtenir pour cette opération. Il est regrettable
qu'il en fut de même pour celle de Brest.
La
nécessité de disposer de grandes quantités
de munitions d'artillerie de campagne, en particulier quand
il s'agit d'assiéger des villes fortifiées, était
évidente dans les opérations de Normandie et du
siège de St-Malo. En tenant compte de ces expériences
et étant donné que l'opération de Brest
pouvait être d'une beaucoup plus grande importance, les
prévisions en munitions considérées nécessaires
pour l'attaque de Brest furent soumises au milieu du mois d'Août
à l'autorité supérieure. Malheureusement
cette estimation fut terriblement réduite, d'où
une réduction du stock initial de munitions en vue de
l'attaque.
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